L’amitié est pour moi comme un voyage. Il peut être grand, petit, long, bref, intense ou superficiel. Quoiqu’il en soit c’est toujours un voyage mouvementé. Il m’apprend, me confronte, me surprend, me bouleverse, m’apaise et me fait rebondir. Chaque voyage me laisse une trace qui me fait grandir.

J’ai toujours eu du mal à comprendre les règles de l’amitié car je les concevais comme uniquement dépendantes de l’autre. Ce dernier pose les contours de la relation amicale et moi je fais en fonction. Or cette conception me conduisait inexorablement vers une frustration dans le meilleur des cas voire une disparition de ma personnalité. Pour que la relation se construise et perdure, les différents éléments qui la composent doivent Être. L’amitié est un lien qui relie à minima 2 personnes et non le résultat des décisions, désirs et envies d’une seule. Elle implique une réciprocité dans le lien, non à travers une équité parfaite, mais un équilibre. Ce dernier ne se quantifie pas, ne se chiffre pas mais se ressent, se vit. La relation d’amitié perdure en se bonifiant à travers les échanges et les réglages qui en sont fait. Chacun évolue en prenant de l’âge et comme dans le couple, ce qui nous a plu et convenu dans un premier temps ne l’est peut-être plus par la suite, d’où les remaniements.

Dans l’amitié, j’y mets les confidences, de celles que l’on ne peut dire à personne. Le fameux « je te le dis, mais tu ne le répète à personne » souvent tacite mais parfois exprimé pour se rassurer, et qui traverse les âges et les années.

J’y mets aussi la confiance qui découle indubitablement du précédent. Sans confiance, pas de confidence. J’ai confiance en la relation, en l’amour, en ton regard sur moi, en ton soutien, en ta loyauté,… La confiance avec ou sans limite, cela dépend de la relation à la confiance de chacun.

J’y mets les disputes, des simples désaccords aux disputes qui semblent irréparables. C’est l’apprentissage de la réconciliation, du pardon en tant que lâcher prise. L’amitié est alors l’aire de jeu dans laquelle on peut l’expérimenter lorsqu’on n’a pas de frères et sœurs. A travers ces conflits c’est l’enjeu, mais aussi les fondements, les valeurs, les attentes, les espoirs de notre relation qui sont éprouvés. Pourquoi et pour quoi nous sommes-nous choisis à ce moment-là de notre vie et dans cette vie ? Dans les disputes, on se rencontre soi. L’intensité du conflit dépendra alors de ce que j’ai peur ou refuse de voir de moi…

J’y mets, la permanence du lien. Relation régulière, journalière, épisodique, annuelle, … mais relation. Quelle que soit la fréquence de nos rencontres, le lien persiste. Même dans l’absence, mes pensées envers mon ami(e) font lien …font exister, perdurer le lien. L’absence, la fin d’une relation ne font pas rupture mais me permet de grandir plus encore…

J’y met de l’entièreté, c’est une relation uniquement amicale. Mais l’amitié peut aussi faire partie d’une autre relation qui permet, à cette dernière, d’être encore plus solide, puissante, complète. Le couple en est le parfait exemple : « tu es mon ami, mon amant, mon amour ». Une partie de la relation parents enfant repose aussi sur de l’amitié : en effet, le lien se fonde sur le jeu qui est la scène d’une rencontre entre 2 individus d’une même maturité. Ce lien d’amitié est l’un des éléments de l’amour inconditionnel et un pilier soutenant l’éducation, l’accompagnement de mon enfant vers … ce qu’il choisira.

Ainsi, dans l’amitié, il y a moi, il y a l’autre, il y a le nous mais il y a surtout cet au-delà de l’amitié. Mon évolution dans toutes les autres relations de ma vie. Grâce à mes amitiés, je grandis et j’en fais profiter mes autres relations comme les vases communicants. Je suis un élément d’un ensemble plus grand que moi. Dès qu’un élément bouge, les autres éléments bougent. C’est le fameux effets papillon. Les conflits proviennent souvent de ces changements qui grippent un instant ou plus les rouages de la machine. Il faut mettre de l’huile pour éviter que cela ne se grippe !